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plicité rare, esquisses ou improvisations sévères qui annonçaient déjà des tendances à la statuaire : fermeté de contour, simplicité de plan, sobriété du sujet, rythme des lignes, tout côtoyait cet art austère, notamment le Sommeil, dont l’expression forte et simple accentuait la recherche vers le but atteint aujourd’hui, quand parut le Masque, les débuts de Marie Cazin.

On garda depuis dans les yeux l’éclat inoubliable de ce visage de métal qui paraissait venir d’un autre monde. C’était aussi la même tristesse, la même ardeur de sentiment, la même contemplation intime, en un mot, la résurrection par le bronze du Songe Interne.



12 Juin. — J’ai passé dans les allées froides et silencieuses du cimetière, et près des tombes désertes. Et j’ai connu le calme d’esprit.

La mort, là, sous mes pieds, dans les fosses sombres, où des amis et des proches reposent, heureux enfin, parce qu’ils ne sentent plus ; la mort, là, certaine et sitôt venue, qui plane sur nos jours soucieux comme le seul baume à nos misères ; la mort, là, maîtresse et toujours souveraine à jamais ; je l’ai vue, divin refuge, heureuse fin du mal de vie.

O mort que tu es large : pour toi je pleure ; d’autres t’appellent et t’interrogent. Dans le calme que ta pensée me donne, que de force contre le souci !

O divine inconnue, au muet visage, crainte sans nom, auguste immobilité, que tu es belle ! Les hommes ornent religieusement ton champ sacré : voici des fleurs sur ta pierre, l’art, la tenue, le culte cérémonieux ; sur le marbre des mausolées, des pensers larges et hauts, de tous les temps.

Je me sens en ces lieux autre que moi-même.

J’ai vu du Morbihan quelques points superbes, mais si sauvages que je les ai quittés. Je suis maintenant au bord d’une