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CHAPITRE IV.

LES PRÂNAS.

Les prâṇas, ou esprits vitaux, dont la conception remonte à l’époque védique, sont les principes organiques dont la nature est la plus voisine de celle de l’âtman. Ils en ont le caractère principal, à savoir l’absence de forme sensible ; et, de même que l’âtman est la source de la vie universelle, les prâṇas sont les agents généraux et les signes inséparables de la vie individuelle. L’analogie qui existe entre l’idée de âtman de celle des prâṇas, d’une part ; de l’autre, le rôle prépondérant qu’ils occupent parmi les fonctions vitales, font que les Upanishads les ont rangés au premier rang des modes généraux de l’être manifesté.

Cette prééminence a même été mise en relief dans ces ouvrages sous une forme littéraire qui en était sans doute alors à ses premiers essais et qui offrait l’avantage d’exposer la suprématie des prâṇas d’une manière plus pittoresque et plus expressive que par une simple affirmation. C’est, en effet, à l’aide d’un apologue dont paraît issue ou imitée la fable des Membres et l’Estomac, que les auteurs des Upanishads se sont plu à signaler l’impuissance des sens qu’auraient abandonnés les prâṇas et, par conséquent, l’infériorité des premiers à l’égard des seconds.

Ce thème répondait à une idée si bien établie dès l’origine des conceptions védântiques que l’apologue de la rivalité des sens et des prâṇas se trouve répété avec de légères variantes dans plusieurs Upanishads. Chacune de ces versions m’a paru intéressante à reproduire par les différences mêmes qu’elles présentent entre elles, et je vais les rapprocher les unes des autres en commençant par l’Udgîtha Brâhmaṇa (Bṛh. âr. Up. 1. 3) qui