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CHAPITRE QUINZIÈME

après son installation, il y reçut la visite du comte Walewski qui reconduisait de Naples à Paris sa femme, la charmante comtesse Walewska qui venait d’avoir à Naples la fièvre typhoïde. Elle était encore un peu pèle, ses cheveux coupés ras comme ceux d’un garçon. Tous, chef, secrétaire et les jeunes attachés, Adrien Delessert, Artus de Brissac, restèrent sous le charme de cette délicieuse apparition. Esprit, beauté, simplicité, gaieté, élégance, la comtesse Walewska réunissait tout ce qui pouvait attirer et fasciner.

Le roi Victor-Emmanuel ainsi que son frère le duc de Gênes n’avaient jamais fréquenté des femmes du monde, la reine, leur mère, craignant pour ses fils des inclinations trop tendres. Il en était résulté qu’ils voyaient d’abord clandestinement, ensuite plus ouvertement quand il n’y eut plus moyen de l’empêcher, une société bien autrement dangereuse et nuisible. Ils avaient ainsi perdu le goût de la bonne compagnie où ils se sentaient, faute d’habitude, tout à fait déplacés, n’en connaissant ni la conversation ni les usages. Victor-Emmanuel trouvait la licence de langage chose toute naturelle ; le duc de Gênes comprenait du moins qu’il n’était pas tel qu’il devait être, et il savait sauvegarder sa dignité par une attitude réservée. Il avait été éperdument amoureux de deux princesses : la princesse Louise