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CHAPITRE PREMIER

l’horreur de l’égoïsme et de la sécheresse de cœur.

Racontées avec discrétion et prudence, les anecdotes sur l’empereur Nicolas défrayaient les conversations.

Sous le règne du roi Louis-Philippe le célèbre acteur des Variétés Vernet, si connu à Paris comme un des comiques les plus fins et les plus amusants, vint donner des représentations à Saint-Pétersbourg. L’Empereur le rencontrant durant l’une de ses promenades l’arrêta quelques instants sur son passage pour savoir ce qu’il jouait le même soir au théâtre français.

« Ma femme et mon parapluie, lui répondit Vernet. — Ah ! très bien ; je serai heureux de faire connaître cette jolie pièce à l’Impératrice ; à ce soir donc, monsieur Vernet. » Et il le quitta pour reprendre son droski.

Cet incident se passait quelques années avant mon arrivée à Pétersbourg ; il peint si bien le caractère de l’Empereur que j’ai plaisir à le donner ici.

Vernet, tout heureux de cette rencontre, s’apprêtait à rentrer chez lui pour repasser son rôle de Serinet, accordeur de pianos, lorsqu’il fut accosté par deux hommes de la police qui le conduisirent au poste, où, d’après les règlements, il devait être incarcéré pendant vingt-quatre heures pour avoir arrêté l’Empe-