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JEUNESSE !

de sécheresse. Je ne pouvais lui dire que : « Au revoir, ma nièce ! » et c’est ce que je fis promptement.

Dès qu’elle fut partie, je repensai à Thierry, et je dis tout haut, comme s’il devait m’entendre : « Sois tranquille, je ne t’habillerai pas en cow-boy ! Que c’est bête, cette importation de l’étranger ! Toutes les jeunesses du monde marchent au pas. Tu marcheras ton pas, ayant la chance d’être né Français… Ah ! que ce serait beau, de pouvoir en ce pays élever un fils, sans le confier à tous ces gens, souvent de rare mérite, mais qui marinent dans l’imitation, la convention, l’ennui, et qui hommes ou femmes, tout le long de la journée, donnent des leçons ! C’est cela le terrible ; c’est bien cela le drame ! Ils ont remplacé l’affection, l’éducation, le plaisir de vivre par l’enseignement — l’enseignement péremptoire !

Il n’y avait plus un moment à perdre. Je voulais partir pour la Savoie, et d’abord téléphoner à Thierry, pour être attendu… c’est-à-dire désiré. Comme je n’ai pas voulu de téléphone dans ma chambre, je suis descendu demander la communication chez M. Seigneur.

— Hélas ! a dit celui-ci avec une mine désespérée, je crois que les téléphonistes sont en grève !

Il se renseigna.

— Pas encore. Profitez-en vite !