Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
144
GASPARD

— Il est lourd el’ patron !…

Il s’étendit de l’autre côté, dans le clair de lune qui donnait sur le Christ et sur eux ; ils avaient l’air des deux larrons ; et ils se mirent à parler et à se plaindre par-dessus la croix.

Gaspard dit :

— T’as-t-il eu du sucre ?

— Du sucre ?

— Y a l’ curé qu’en donne.

— Ah ?… Oh, l’ curé !…

— Quoi, l’ curé ? L’a pas l’air d’un mauvais zig. Les curés, t’ sais, ils sont comme les aut’, les curés. Faut pas dire… Y a du brave monde partout.

— J’ dis rien.

— Non, mais, t’avais l’air de râler : les curés…

Il se tut, puis reprit :

— T’as-t-il eu du vin ?

— Non.

— Ben, t’es pas dessalé, toi !

— J’étouffe…

— T’étouffes. C’est pas une raison ; ça t’aurait dégagé…

Une immense plainte remplissait l’église, plus troublante, et plus vraie que toutes les paroles de prière que les hommes ont inventées. C’était le gémissement naturel de la Terre à Dieu ; la souffrance sous le Ciel, allongée sur des dalles, entre des murs qui n’avaient pas encore entendu