Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/181

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lueur aux siens. Sa main, au dire d’un peintre, eût pu sembler comme bien des mains, mais ses doigts si légers ne parlaient que de tendresse. Et par ses mots, ses mines et dans toutes ses façons, elle laissait à penser qu’elle était un peu simple, mais l’eau pure et le ciel bleu ont cette simplicité. — Elle avait, cette jeune fille, confiance dans tous les hommes : les pires ne lui semblaient que des égarés. Alors, elle était douce, même avec les plus rudes, pareille aux jours d’été qui font pousser des roses sur des haies misérables. — Le temps, pour elle, ne comptait plus : elle avait vingt-cinq ans sans impatience ; elle souriait à la douleur, jusqu’à ce que cette intruse cédât ; elle était tranquillement inlassable. On se sentait meilleur, sitôt qu’elle vous regardait.

Elle s’appelait Mlle Anne, et ce petit nom calme, qui est comme un léger soupir, prenait un accent de prière dans la bouche des blessés : « Mam’selle Anne !… Mam’selle Anne !… » Cela voulait dire : « Mon Dieu, vous qui êtes bonne, approchez donc !… Ah ! que nous sommes las !… Ah, que nous avons d’ennui !… Mam’selle Anne… contez-nous quelque histoire. »

— Une belle histoire ? demandait-elle.

— La plus belle.

— Attendez. Je vais vous relire la lettre de votre mère…