Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/202

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— Alors, je pouvais pas être partout ! Je pouvais plus aller voir ton père. J’ai prévenu sa mère. Elle est encore allante ; elle est partie le soir.

— La pauvre vieille !…

— Elle n’était plus vieille à l’idée d’embrasser son fils.

Il restait comme atterré. Il regardait ses draps.

Il dit encore :

— Sais-tu au moins… sa blessure ?

— Non… je… je ne sais pas.

Alors, il fit d’une voix sourde :

— Ça, c’est terrible…

Mais elle reprit brusquement, presque brutalement :

— Est-ce que je savais la tienne ? Tu m’écrivais : ne mentais-tu pas ?… Ah, je souffrais trop vois-tu !… je souffrais de partout, du cœur, des membres. Je t’ai mis au monde, moi ; je t’ai fait un homme. Tu es à moi… à moi… Embrasse… embrasse encore. Mieux. Il y a trois mois qu’on ne m’a pas embrassée !

— Madame… mande pardon, madame.

C’était encore le garçon de salle.

— J’ suis obligé de r’prendre l’eau bouillue.

Trois jours passèrent, puis la mère dut repartir. Elle voulait des nouvelles de son mari ; elle avait confié sa petite fille à une voisine ; l’auberge coûtait cher ; elle regagna Paris. Et quand elle