Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/40

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proprios pourront se pocher ; il y a leur galette qu’ils préserveront. Moi, bougerai pas : rien à défendre… Eh bien, Gaspard… c’est toi qui bouges, et ce proprio qui reste !

— Attends… attends voir, dit Gaspard, ma combine était fausse ! Moi, ayant rien, j’ai rien à perdre. Donc, j’hésite pas ; j’ cours me cogner ! Mais lui, l’ client, tient à ses sous. Vaut mieux qu’on l’ laisse ; l’a quéque chose à garder !

En une minute, son bon sens simple et robuste avait adapté à la guerre une théorie de paix.

Ils passèrent la grille du quartier. Les tambours battirent ; les clairons sonnèrent ; et l’on vit le régiment s’avancer par les rues.

Il faisait un après-midi adorable, d’une tiédeur vivante, et il courut comme un frisson dans l’air, trahissant tout l’émoi de la ville.

Les boutiquières sortaient, des fleurs dans les mains ; Gaspard tendait les siennes, et il criait aux femmes :

— Quand nous r’viendrons, c’ qu’on s’embrassera !

La nouvelle courait que cent mille Allemands venaient de tomber devant Liège. Cent mille ! Il semblait qu’il n’en restât plus. Les hommes faisaient des pas énormes.

— L’ train pour Berlin ! L’ train pour Berlin ! Quand ils l’aperçurent, quel cri !