Page:René Benjamin - La farce de la Sorbonne, 1921.djvu/75

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haute idée de soi. La preuve, c’est qu’il dit : « Ne trouvez-vous pas que je ressemble à Caillaux ? » Hanté par ce modèle, il se croit tout permis. — Il fait irruption dans son amphithéâtre, ne dit pas « Messieurs », parce qu’il a envie de dire « Mes amis » ainsi qu’à des maçons et à des terrassiers, et commence d’une voix haute, insolente, impudente :

— J’arrive. Vous me regardez. Je vous regarde. Quelle différence entre nous ? Celle-ci : je sais, moi, ce que je vais dire, et vous ne le savez pas ! Je vais dire : « Qu’est-ce que le tragique ? » Boum !

« Boum ! » c’est, sur l’estrade, un coup de talon, qui va se répéter vingt fois durant une heure de cours, et accompagner la fin de chaque phrase capitale.

— Donc, le tragique est-ce le dramatique ? Non ! Or, le dramatique est-ce l’art dramatique ? Du tout ! Qu’est-ce donc ? Patience ! Remontons de concept en concept. Y a-t-il ici quelqu’un qui soupçonne ce qu’est l’Art ? Je dis quelqu’un, sans désigner le sexe ni la couleur des cheveux… Et j’écoute !