Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/111

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mains s’appuyèrent à des mains, des paumes épousèrent des paumes. Pierre eut un frisson puis ne fut plus que la goutte de sang transfusée pour le sang d’une autre vie.

Incapable de se ressaisir dans sa chair, dans son corps qu’il ne se rappelait plus, il accepta tout le visage de Bruggle, ce masque de peau qui déjà touchait sa figure.

Le visage de Bruggle, ce masque de peau. Il était froid. Pierre n’y voyait plus qu’un œil et lui, Pierre, peu à peu il cessait d’exister.

Bien entendu, Diane, tout de suite, détesta le musicien. Mais la jalousie qu’elle ne put manquer d’avoir dès que Pierre, le lendemain, lui eut parlé de son nouvel ami, au lieu de déchaîner en elle une colère ou quelque sentiment de réprobation l’incita à la pitié.

C’est de cette époque que datèrent les baisers à bouche trop grande ouverte, des gaffes très étudiées et des allusions à sa vie et à ses goûts destinés à la mettre, pensait-elle, au même niveau que Pierre, car si certaines femmes coupables et honteuses se croient obligées de mentir et miment la vertu, dans une volonté de redevenir ou tout au moins de sembler dignes de l’homme qu’elles aiment, Diane, pour que le remords n’éloignât point Pierre de la jeune fille innocente que, selon elle, il la croyait, pour qu’il ne fût point trop accessible aux raisons de se juger amoin-