Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/121

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droite sur sa chaise et la cuiller hautaine, Mme  Dumont-Dufour doit avaler son potage en deux temps, deux mouvements, avec l’indifférence du guerrier lacédémonien pour son brouet, car, tout comme un Spartiate, la fille du président Dufour, depuis qu’elle respire, mange, boit, parle, marche (et aussi du temps qu’elle se donnait, épouse martyre, chaque samedi soir au colonel), a toujours ignoré les plaisirs à prendre des actes de la vie courante et jamais elle n’a oublié (et bien que parfois elle ne sût au juste quel il était) un ennemi à poursuivre, à vaincre. Un ennemi à poursuivre, à vaincre. Après un repas vite expédié, elle va fourbir ses épingles à chapeaux et partir, belliqueuse, à la recherche d’alliés. Pierre sait qu’elle va circonscrire Mme  Blok, essayer d’envoûter Diane et consulter Bricoulet, le cousin des Blok spécialiste et amateur des catastrophes.

D’où ce besoin de trouver un refuge. Il appelle Bruggle, et de cette présence, va naître, s’il doit naître jamais le miracle. Numéro de téléphone, « Sésame ouvre-toi » du bonheur, le souffle qui porte les syllabes magiques est une flamme, et après son passage, les lèvres, l’une sur l’autre, comme par l’effet de deux pesanteurs contraires, tombent plus faibles que les pétales d’une fleur que le soleil a tuée. Aquarium d’anxiété, cette boîte d’ombre où Pierre s’est enfermé ne se réchauffe pas encore d’une voix aimée, plus douce qu’un Gulf