Page:Renan - De la part des peuples sémitiques dans l’histoire de la civilisation.djvu/26

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de notre christianisme, chargé de métaphysique par les Pères grecs, et de scolastique par le moyen âge, réduit à un enseignement de morale et de charité par les progrès des temps modernes. La victoire du christianisme ne fut assurée que quand il brisa complétement son enveloppe juive, quand il redevint ce qu’il avait été dans la haute conscience de son fondateur, une création dégagée des entraves étroites de l’esprit sémitique. Cela est si vrai, que les juifs et les musulmans n’ont que de l’aversion pour cette religion, sœur de la leur, mais qui, entre les mains d’une autre race, s’est revêtue d’une poésie exquise, d’une délicieuse parure de légendes romantiques. Des âmes fines, sensibles et imaginatives comme l’auteur de l’Imitation, comme les mystiques du moyen âge, comme les saints en général, professaient une religion sortie, en réalité, du génie sémitique, mais transformée de fond en comble par le génie des peuples modernes, surtout des peuples celtes et germains. Cette profondeur de sentimentalité, cette morbidesse en quelque sorte de la religion d’un François d’Assise, d’un Fra Angelico, étaient justement l’opposé du génie sémitique, essentiellement sec et dur.

Quant à l’avenir, Messieurs, j’y vois de plus en plus le triomphe du génie indo-européen. Depuis le seizième siècle, un fait immense, jusque-là indécis, se manifeste avec une frappante énergie : c’est la victoire définitive de l’Europe, c’est l’accomplissement de ce vieux proverbe sémitique :