Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/102

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monde s’enracinait chez eux de plus en plus[1]. Les spectacles leur paraissaient démoniaques. Ils n’y allaient jamais ; mais ils entendaient les gens du peuple en parler. Un Icare qui, dans l’amphithéâtre en bois du Champ de Mars, prétendit se soutenir en l’air, et qui s’en vint tomber sur la stalle même de Néron, en le couvrant de son sang[2], les frappa beaucoup, et devint l’élément capital d’une de leurs légendes. Le crime de Rome atteignait les dernières limites du sublime infernal ; c’était déjà un usage dans la secte, soit par précaution contre la police, soit par goût du mystère, de ne désigner cette ville que par le nom de Babylone[3]. Les juifs avaient coutume d’appliquer ainsi à des choses modernes des noms propres symboliques empruntés à leur vieille littérature sacrée[4].

Cette antipathie peu dissimulée pour un monde qu’ils ne comprenaient pas devenait le trait caractéristique des chrétiens. « La haine du genre humain »

  1. II Cor., iv, 4 ; Eph., vi, 12 ; Jean, xii, 31 ; xiv, 30.
  2. Suétone, Néron, 12. V. ci-après, p. 44.
  3. I Petri, v, 13. Comp. Apocal., xiv-xviii ; Carm. sibyll., V, 142, 158.
  4. C’est ainsi qu’Édom servit à désigner Rome et l’empire romain. V. Buxtorf, Lex. chald., talm., rabb., au mot אדום. Il en fut de même du nom de Cuthéen, appliqué aux Samaritains et en général aux gentils.