Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/167

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d’aigreur[1]. L’Église de Rome, étroitement affiliée à celle de Jérusalem, était pour la plus grande partie judéo-chrétienne. Le judaïsme orthodoxe, très-fort à Rome, devait lui faire une rude guerre. Le vieil apôtre, le cœur brisé, appelait la mort[2].

S’il s’agissait d’une autre nature et d’une autre race, nous essayerions de nous figurer Paul, en ces derniers jours, arrivant à reconnaître qu’il a usé sa vie pour un rêve, répudiant tous les prophètes sacrés pour un écrit qu’il n’avait guère lu jusque-là, l’Ecclésiaste (livre charmant, le seul livre aimable qui ait été composé par un juif), et proclamant que l’homme heureux est celui qui, après avoir coulé sa vie en joie jusqu’à ses vieux jours avec la femme de sa jeunesse, meurt sans avoir perdu de fils[3]. Un trait qui caractérise les grands hommes européens est, à certaines heures, de donner raison à Épicure, d’être pris de dégoût tout en travaillant avec ardeur, et,

  1. II Tim., tout entière.
  2. II Tim., iv, 6-8, très-beau passage, que plusieurs tiennent pour réellement sorti de la plume de Paul, mais qui paraît en contradiction avec les projets de voyage que Paul ne cessait de former. Il ne semble pas que, dans sa prison, Paul ait jamais eu un pressentiment si net de sa fin prochaine.
  3. Θάρσει· τέθνηκας γὰρ ἀπενθήτοις ἐπὶ τέκνοις,
    Ζώουσαν προλιπὼν ἣν ἐπόθεις ἄλοχον.
    Inscr. de Beyrouth (Mission de Phénicie, p. 347).