Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/295

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détruit toute nationalité chez les peuples qu’il a subjugués, et ne leur laisse plus d’autre patrie que la mosquée et la zaouia.

On applique souvent à un tel état social le nom de théocratie, et on a raison, si l’on entend dire par là que l’idée profonde des religions sémitiques et des empires qui en sont sortis est la royauté de Dieu, conçu comme unique maître du monde et suzerain universel ; mais théocratie chez ces peuples n’est pas synonyme de domination des prêtres. Le prêtre proprement dit joue un faible rôle dans l’histoire du judaïsme et de l’islamisme. Le pouvoir appartient au représentant de Dieu, à celui que Dieu inspire, au prophète, au saint homme, à celui qui a reçu mission du ciel et qui prouve sa mission par le miracle ou le succès. À défaut de prophète, le pouvoir est au faiseur d’apocalypses et de livres apocryphes attribués à d’anciens prophètes, ou bien au docteur qui interprète la loi divine, au chef de synagogue, et plus encore au chef de famille, qui garde le dépôt de la Loi et le transmet à ses enfants. Un pouvoir civil, une royauté n’ont pas grand chose à faire avec une telle organisation sociale. Cette organisation ne fonctionne jamais mieux que dans le cas où les individus qui s’y soumettent sont répandus, à l’état d’étrangers tolérés, dans un grand empire où ne règne pas l’uni-