Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/300

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était la société romaine. Rome fondait l’État ; la juiverie fondait l’Église. Rome créait le gouvernement profane et rationnel ; les juifs inauguraient le royaume de Dieu. Entre cette théocratie étroite, mais féconde, et la proclamation la plus absolue de l’État laïque qui ait jamais existé, une lutte était inévitable. Les juifs avaient leur loi, fondée sur de tout autres bases que le droit romain, et au fond inconciliable avec ce droit. Avant d’avoir été cruellement matés, ils ne pouvaient se contenter d’une simple tolérance, eux qui croyaient avoir les paroles de l’éternité, le secret de la constitution d’une cité juste. Il en était d’eux comme des musulmans d’Algérie à l’heure présente. Notre société, quoique infiniment supérieure, n’inspire à ces derniers que de la répugnance. Leur loi révélée, à la fois civile et religieuse, les remplit d’orgueil, et les rend incapables de se prêter à une législation philosophique, fondée sur la simple notion des rapports des hommes entre eux. Ajoutez à cela une profonde ignorance, qui empêche les sectes fanatiques de se rendre compte des forces du monde civilisé et les aveugle sur l’issue de la guerre qu’elles engagent avec légèreté.

Une circonstance contribuait beaucoup à maintenir la Judée à l’état d’hostilité permanente contre l’empire ; c’est que les Juifs ne prenaient point de part