Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/354

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Incapable de former un État à lui seul, le judaïsme devait en arriver au point où nous le voyons depuis dix-huit siècles, c’est-à-dire à vivre en guise de parasite, dans la république d’autrui. Il était également destiné à devenir une religion sans temple et sans prêtre. Le temple rendait le prêtre nécessaire ; sa destruction sera une sorte de débarras. Les zélotes qui, l’an 68, tuèrent les pontifes et souillèrent le temple pour défendre la cause de Dieu n’étaient donc pas en dehors de la véritable tradition d’Israël.

Mais il était clair que, privé de tout lest conservateur, livré à un équipage frénétique, le vaisseau irait à une effroyable perdition. Après le massacre des sadducéens, la terreur régna dans Jérusalem sans frein ni contre-poids[1]. L’oppression était si grande, que personne n’osait ouvertement ni pleurer ni enterrer les morts. La compassion devenait un crime. On porte à douze mille le nombre des suspects de condition distinguée qui périrent par la cruauté des forcenés. Sans doute il faut se défier ici des appréciations de Josèphe. Le récit de cet historien sur la domination des zélotes a quelque chose d’absurde ; des impies et des misérables ne se seraient pas fait tuer comme ceux-ci firent. Autant vaudrait chercher à

  1. Pour l’impression que cette fureur de guerre civile causa sur les Romains, voir Pline, Hist. nat., XII, xxv (54).