Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/423

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mille lieues des idées de l’immortalité de l’âme, qui sont sorties de la philosophie grecque. Les martyres des dernières années furent une crise terrible pour une société qui tremblait naïvement quand un saint mourait, et se demandait si celui-là verrait le royaume de Dieu[1]. On éprouvait un besoin invincible de se représenter les fidèles trépassés à couvert et déjà heureux, quoique d’un bonheur provisoire, au milieu des fléaux qui allaient frapper la terre[2]. On entendait leurs cris de vengeance ; on comprenait leurs saintes impatiences ; on appelait le jour où Dieu se lèverait enfin pour venger ses élus.

La forme d’« apocalypse » adoptée par l’auteur n’était pas neuve en Israël. Ézéchiel avait déjà inauguré un changement considérable dans le vieux style prophétique, et on peut en un sens le regarder comme le créateur du genre apocalyptique. À l’ardente prédication, accompagnée parfois d’actes allégoriques extrêmement simples, il avait substitué, sans doute sous l’influence de l’art assyrien, la vision, c’est-à-dire un symbolisme compliqué, où l’idée abstraite était rendue au moyen d’êtres chimériques, conçus en dehors de toute réalité. Zacharie continua de marcher dans la même voie ; la vision devint le cadre

  1. Cf. Saint Paul, p. 249 et suiv.
  2. Apoc., xiv, 13.