Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/443

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les Sirènes, les Tritons et les Néréides, les charmes dangereux de la mer, ses caresses à la fois voluptueuses et sinistres, toutes ces fines sensations qui ont leur inimitable expression dans l’Odyssée, échappèrent au ténébreux visionnaire. Deux ou trois particularités, telles que la grande préoccupation de la mer[1], l’image « d’une montagne brûlant au milieu de la mer[2] », qui semble empruntée à Théra[3], ont seules quelque cachet local[4]. D’une petite île, faite pour servir de fond de tableau au délicieux roman de Daphnis et Chloé, ou à des scènes de bergerie comme celles de Théocrite et de Moschus, il fit un volcan noir, gorgé de cendre et de feu. Il avait dû cependant, goûter plus d’une fois sur ces flots le silence plein de sérénité des nuits, où l’on n’entend que le gémissement de l’alcyon et le soufflet sourd du dauphin. Des jours entiers, il fut en face du mont Mycale, sans songer à la victoire des Hellènes sur les Perses[5],

  1. Voir, en particulier, Apoc., xxi, 1.
  2. Apoc., viii, 8.
  3. Santorin. Cette île était alors dans une période de crise. Voir Sénèque, Quæst. nat., II, 26 ; VI, 21. Il paraît que, même quand elle dort, elle a tout à fait l’aspect d’une montagne à demi brûlée. V. Stanley, Sermons, p. 230, note 8.
  4. Le mont Kynops, à Patmos, offre quelques phénomènes volcaniques, mais sans grandeur. Guérin, op. cit., p. 88-97.
  5. Un rideau d’îles intercepte presque de Patmos la vue du continent ; on voit cependant le mont Mycale, Milet et Priène.