Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/501

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maine, s’étonne que ces dix chefs, qui lui paraissent des rois, ne se soient pas déclarés indépendants, qu’ils aient formé un concert[1], et il attribue ce résultat à une action de la volonté divine[2]. Il est évident que les Juifs d’Orient, pressés par les Romains depuis deux ans, et qui se sentaient mollement serrés depuis juillet 68, parce que Mucien et Vespasien étaient absorbés par les affaires générales, crurent que l’empire allait se dissoudre, et triomphèrent un moment. Ce n’était pas là une vue aussi superficielle qu’on pourrait le croire. Tacite, entamant le récit des événements de l’année au seuil de laquelle fut écrite l’Apocalypse, l’appelle annum reipublicæ prope supremum[3]. Ce fut pour les Juifs un grand étonnement, quand ils virent les « dix rois » revenir « à la Bête » (à l’unité de l’empire), et mettre leurs royautés à ses pieds. Ils avaient espéré que la conséquence de l’indépendance des « dix rois » serait la ruine de Rome ; antipathiques à une grande organisation centrale de l’État, ils pensaient que les proconsuls et les légats haïssaient Rome, et, les jugeant d’après eux-mêmes, ils supposaient que ces chefs puissants agiraient comme des satrapes, ou bien

  1. Μίαν γνώμην (xvii, 13, 17).
  2. Verset 17.
  3. Tacite, Hist., I, 11. Cf. Jos., B. J., IV, xi, 5.