Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/540

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supérieur à cela. L’erreur qui parfois a trop porté l’art chrétien vers la décoration riche trouve sa racine dans l’Apocalypse. Un sanctuaire des jésuites, en or et en lapis-lazuli, est plus beau que le Parthénon, dès qu’on admet cette idée, que l’emploi liturgique d’une matière précieuse honore Dieu.

Un trait plus fâcheux fut cette haine sombre du monde profane, qui est commune à notre auteur et à tous les faiseurs d’apocalypses, en particulier à l’auteur du livre d’Hénoch. Sa rudesse, ses jugements passionnés et injustes sur la société romaine nous choquent, et justifient jusqu’à un certain point ceux qui résumaient la doctrine nouvelle en odium humani generis[1]. Le pauvre vertueux est toujours un peu porté à regarder le monde qu’il ne connaît pas comme plus méchant que ce monde n’est en réalité. Les crimes des riches et des gens de cour lui apparaissent singulièrement grossis. Cette espèce de fureur vertueuse, que certains barbares, tels que les Vandales, devaient ressentir quatre cents ans plus tard contre la civilisation, les juifs de l’école prophétique et apocalyptique l’eurent au plus haut degré. On sent chez eux un reste de l’ancien esprit des nomades, dont l’idéal est la vie patriarcale, une aversion profonde pour les grandes

  1. Tacite, Ann., XV, 44.