Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/611

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frappés. Le judaïsme est du nombre. L’histoire n’a pas de spectacle plus étrange que celui de cette conservation d’un peuple à l’état de revenant, d’un peuple qui, pendant près de mille ans, a perdu le sentiment du fait, n’a pas écrit une page lisible, ne nous a pas transmis un renseignement acceptable. Faut-il s’étonner qu’après avoir ainsi vécu des siècles hors de la libre atmosphère de l’humanité, dans une cave, si j’ose le dire, à l’état de folie partielle, il en sorte pâle, étonné de la lumière, étiolé ?

Quant aux conséquences qui résultèrent pour le christianisme de la ruine de Jérusalem, elles sont si évidentes que dès à présent on peut les indiquer. Déjà même plusieurs fois nous avons eu l’occasion de les laisser entrevoir[1].

La ruine de Jérusalem et du temple fut pour le christianisme une fortune sans égale. Si le raisonnement prêté par Tacite à Titus est exactement rapporté[2], le général victorieux crut que la destruction du temple serait la ruine du christianisme aussi bien que celle du judaïsme. On ne se trompa jamais plus complètement. Les Romains s’imaginaient, en arrachant la racine, arracher en même temps le rejeton ; mais le rejeton était déjà un arbuste qui vivait de sa

  1. Voir Saint Paul, p. 495-496.
  2. Voir ci-dessus, p. 511.