Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/622

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montré que la base des rédactions diverses qui nous en sont arrivées fut un récit primitif, écrit vers l’an 130, récit dans lequel Pierre venait à Rome pour vaincre Simon-Paul au centre de sa puissance, et trouvait la mort, après avoir confondu ce père de toutes les erreurs. Il paraît difficile que l’auteur ébionite, à une date aussi reculée, eût pu donner tant d’importance au voyage de Pierre à Rome, si ce voyage n’avait pas eu quelque réalité. Le système de la légende ébionite doit avoir un fond de vérité, malgré les fables qui s’y mêlent. Il est très-admissible que saint Pierre soit venu à Rome, comme il vint à Antioche, à la suite de Paul et en partie pour neutraliser son influence. La communauté chrétienne, vers l’an 60, était dans un état d’âme qui ne ressemblait en rien à la tranquille attente des vingt années qui suivirent la mort de Jésus. Les missions de Paul et les facilités que les Juifs trouvaient dans leurs voyages avaient mis à la mode les expéditions lointaines. L’apôtre Philippe est de même désigné par une tradition ancienne et persistante comme étant venu se fixer à Hiérapolis.

Je regarde donc comme probable la tradition du séjour de Pierre à Rome ; mais je crois que ce séjour a été de courte durée, et que Pierre souffrit le martyre peu de temps après son arrivée dans la ville éternelle. Une coïncidence favorable à ce système est le récit de Tacite, Annales, XV, 44. Ce récit offre une occasion toute naturelle pour y rattacher le martyre de Pierre. L’apôtre des judéo-chrétiens fit sans doute partie de la catégorie des suppliciés que Tacite désigne par crucibus affixi, et ce n’est pas sans raison que le Voyant

de l’Apocalypse place « les apôtres[1] » parmi les saintes

  1. Apoc., xviii, 20.