Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/138

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transfigura sur le Thabor[1]. On ne reculait pas devant ce que nous appellerions des contre-sens : « J’ai appelé mon fils de l’Égypte, » disait Jéhovah dans Osée[2]. Il s’agissait là d’Israël ; mais l’imagination chrétienne se figura qu’il s’agissait de Jésus, et on le fit transporter enfant en Égypte. Par une exégèse plus lâche encore, on trouvait que sa naissance à Nazareth avait été l’accomplissement d’une prophétie[3].

Tout le tissu de la vie de Jésus fut ainsi un fait exprès, une sorte d’arrangement surhumain disposé pour réaliser une série de textes anciens, censés relatifs à lui[4]. C’est le genre d’exégèse que les juifs nomment midrasch, où toutes les équivoques, tous les jeux de mots, de lettres, de sens, sont admis. Les vieux textes bibliques étaient pour les juifs de ce temps, non comme pour nous un ensemble historique et littéraire, mais un grimoire d’où l’on tirait des sorts, des images, des inductions de

  1. Évang. des Hébr., p. 16, ligne 17, p. 23 (Hilg.). Le nom du Thabor a disparu dans les Évangiles grecs. Il a reparu dans la tradition, à partir du IVe siècle.
  2. Osée, xi, 1.
  3. Matth., ii, 23.
  4. De là la formule ἵνα ou ὅπως πληρωθῇ, si fréquente dans Matthieu. Comp. les formules juives analogues, לתמם חזיונות ,לקײם מה שנאמר, etc.