Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/168

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choquant pour les idées reçues ; on le retrancha ; mais la chute ἐφοϐοῦντο γάρ étant très-peu satisfaisante, on supposa diverses clausules, dont aucune n’eut assez d’autorité pour chasser les autres des manuscrits[1].

De ce que Matthieu et surtout Luc omettent tel passage qui est actuellement dans Marc, on en a conclu que ces passages n’étaient pas dans le proto-Marc. Erreur ; les rédacteurs de seconde main choisissaient, omettaient, guidés par le sentiment d’un art instinctif et par l’unité de leur œuvre. On a osé dire, par exemple, que la Passion manquait dans le Marc primitif, parce que Luc, qui l’a suivi jusque-là, ne le suit plus dans le récit des dernières heures de Jésus. La vérité est que Luc a pris pour la Passion un autre guide plus symbolique, plus touchant que Marc ; or Luc était trop bon artiste pour brouiller les couleurs. La Passion de Marc, au contraire, est la plus vraie, la plus ancienne, la plus historique. La seconde rédaction, en pareil cas, est toujours plus émoussée, plus dominée par les raisons a priori que celles qui ont précédé. Les traits de précision sont indifférents aux générations qui n’ont pas

  1. Voir les Apôtres, p. 7, note 1. Cf. saint Jérôme, Ad Hedibiam, Quæst. 3 ; saint Grég. de Nysse, In resurr., ii, Opp. (Paris, 1638), t. III, p. 411 b.