Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/17

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l’historiographie[1]. Le moment où une tradition épique ou légendaire commence à être mise par écrit marque l’heure où elle cesse de produire des branches divergentes. Loin de se subdiviser, la rédaction obéit dès lors à une sorte de tendance secrète qui la ramène à l’unité par l’extinction successive des rédactions jugées imparfaites. Il existait moins d’Évangiles à la fin du IIe siècle, quand Irénée trouvait des raisons mystiques pour établir qu’il y en avait quatre et qu’il ne pouvait y en avoir davantage[2], qu’à la fin du ier, quand Luc écrivait au commencement de son récit : Ἐπειδή περ πολλοὶ ἐπεχείρησαν[3]. Même à l’époque de Luc, plusieurs des rédactions primitives avaient probablement disparu. L’état oral produit la multiplicité des variantes ; une fois qu’on est entré dans la voie de l’écriture, cette multiplicité n’est plus qu’un inconvénient. Si une logique comme celle de Marcion eût prévalu, nous n’aurions plus qu’un Évangile, et la meilleure marque de la sincérité de la conscience chrétienne est que les besoins de l’apologé-

  1. C’est ce qu’on observe dans la série des historiens arabes depuis Tabari, dans Moïse de Khorène, dans Firdousi. L’écrivain postérieur absorbe complètement et sans y rien changer les récits de ceux qui l’ont précédé.
  2. Irénée, Adv. hær., III, xi, 8.
  3. Luc, i, 1.