Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/206

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ce temps est que la liste des grands prophètes est close, qu’aucun moderne ne peut avoir la prétention de s’égaler aux anciens inspirés. Que fait alors l’homme possédé du désir de produire sa pensée et de lui donner l’autorité qui lui manquerait s’il la présentait comme sienne ? Il prend le manteau d’un ancien homme de Dieu, lance hardiment son livre sous un nom vénéré. Cela ne causait pas une ombre de scrupule au faussaire, qui, pour répandre une idée qu’il croyait juste, faisait abnégation de sa propre personne. Loin qu’il crût faire injure au sage antique dont il prenait le nom, il pensait lui faire honneur en lui attribuant de bonnes et belles pensées. Et quant au public auquel de tels écrits s’adressaient, l’absence complète de critique faisait qu’il ne s’élevait pas une ombre d’objection. En Palestine, les autorités choisies pour servir de prête-nom à ces révélations nouvelles furent des personnages réels ou fictifs dont la sainteté était acceptée de tous, Daniel, Hénoch, Moïse, Salomon, Baruch, Esdras. À Alexandrie, où les juifs étaient initiés à la littérature grecque, et où ils aspiraient à exercer une influence intellectuelle et morale sur les païens, les faussaires choisirent des philosophes ou des moralistes grecs renommés. C’est ainsi que l’on vit Aristobule alléguer de fausses citations d’Homère, d’Hésiode, de Linus, et qu’on eut bientôt un