Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/239

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Le scribe qui interroge Jésus sur le grand commandement le fait, dans Marc, à bonne intention. Dans les deux autres évangélistes, il le fait pour tenter Jésus. Les temps ont marché ; on ne peut plus admettre qu’un scribe ait agi sans malice. L’épisode où le jeune riche appelle Jésus « bon maître », et où Jésus le reprend par ces mots : « Dieu seul est bon », parut plus tard scandaleux. Matthieu arrange cela d’une manière moins choquante. La façon dont les disciples sont sacrifiés dans Marc[1] est également atténuée dans Matthieu. Enfin ce dernier commet quelques contre-sens pour obtenir des effets pathétiques : ainsi le vin des condamnés, dont l’institution était humaine et bienveillante[2], devient chez lui un raffinement de cruauté pour amener l’accomplissement d’une prophétie.

Les saillies trop vives de Marc sont ainsi effacées ; les lignes du nouvel Évangile sont plus larges, plus correctes, plus idéales. Les traits merveilleux se multiplient[3] ; mais on dirait que le merveilleux cherche à

  1. Marc, iv, 13, 40 ; vi, 52 ; viii, 17 et suiv. ; ix, 6, 32 ; x, 32 ; xiv, 40.
  2. Comp. Marc, xv, 23, à Matth., xxvii, 34. Luc, xxiii, 36-37, commet la même erreur.
  3. Dans Marc (iii, 10), Jésus guérit « beaucoup de malades » ; dans Matthieu (xii, 15), il guérit « tous les malades ».