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l’ouvrage qui porte son nom. L’apôtre était mort depuis longtemps quand l’Évangile fut composé, et d’ailleurs l’ouvrage repousse absolument un tel auteur[1]. Jamais livre ne fut aussi peu d’un témoin oculaire. Comment, si notre Évangile était d’un apôtre, y trouverait-on un canevas si défectueux de la vie publique de Jésus ? Peut-être l’Évangile hébreu avec lequel l’auteur compléta Marc portait-il le nom de Matthieu[2]. Peut-être la collection des logia portait-elle ce nom. L’addition des logia étant ce qui faisait le caractère du nouvel Évangile, le nom de l’apôtre garant de ces logia aura pu être conservé pour désigner l’auteur de l’ouvrage qui tirait son prix de ces additions[3]. Tout cela est douteux. Papias[4] croit

  1. Comp. surtout Matth., ix, 9 ; x, 3 ; Marc, ii, 14 ; iii, 18 ; Luc, v, 27 ; vi, 15 ; Act., i, 13. Le rédacteur du premier Évangile a substitué le nom de Matthieu à celui de Lévi fils d’Alphée (voir Vie de Jésus, p. 166-167, note) ; donc, ce rédacteur n’est pas l’apôtre Matthieu. L’Évangile ébionite (Épiph., xxx, 13) admettait que le texte actuel du premier Évangile fut l’ouvrage de Matthieu ; mais c’est là une autorité moderne et sans valeur. Voir ci-dessus, p. 111-112.
  2. V. ci-dessus, p. 109-111.
  3. Le mot κατά indiquerait bien une telle nuance. Ce mot implique seulement la garantie sous laquelle le livre était placé. Les titres κατὰ τοὺς δώδεκα ἀποστόλους, καθ’ Ἐϐραίους, κατ’ Αἰγυπτίους, en sont la preuve.
  4. Dans Eus., H. E., III, xxxix, 16. Nous avons montré (ci-dessus, p. 79, note) que c’est bien de notre texte que parle Papias.