Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/311

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

évangélistes sont neutres, sans parti dans les querelles qui déchiraient l’Église. Les partisans de Paul et ceux de Jacques auraient pu également les adopter. Luc, au contraire, est un disciple de Paul, disciple modéré assurément, tolérant, plein de respect pour Pierre, même pour Jacques, mais partisan décidé de l’adoption dans l’Église des païens, des samaritains, des publicains, des pécheurs et des hérétiques de toute sorte. Chez lui se trouvent ces miséricordieuses paraboles du bon Samaritain, de l’enfant prodigue, de la brebis égarée, de la drachme perdue[1], où la position du pécheur repentant est presque mise au-dessus de celle du juste qui n’a point failli[2]. Sûrement, Luc était en cela d’accord avec l’esprit même de Jésus ; mais il y a de sa part préoccupation, parti pris, idée fixe. Son coup le plus hardi a été de convertir un des larrons du Calvaire. Selon Marc et Matthieu, les deux malfaiteurs insultaient Jésus. Luc prête à l’un d’eux un bon sentiment : « Nous, nous l’avons mérité ; mais ce juste !… » En retour, Jésus lui promet que ce jour-là même il sera avec lui dans le paradis[3]. Jésus

  1. Chapitres xv et xvi, où réside la grande originalité de Luc. De ces paraboles, Matthieu n’a que celle de la brebis égarée, et encore est-elle chez lui beaucoup moins accentuée.
  2. Vie de Jésus, p. lxxxvi.
  3. Luc, xxiii, 39-43.