Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/316

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la Cène comme Paul le donne est identique, sauf des détails de très-peu d’importance, à celui du troisième Évangile[1]. Luc évite sans doute avec soin tout ce qui pourrait blesser le parti judéo-chrétien et réveiller des controverses qu’il désire assoupir ; il est aussi respectueux qu’on peut l’être pour les apôtres[2] ; il craint pourtant qu’on ne leur fasse une place trop exclusive. Sa politique à cet égard lui a inspiré l’idée la plus hardie. À côté des Douze, il crée de sa propre autorité soixante-dix disciples[3], à qui Jésus donne une mission qui, dans les autres Évangiles, est réservée aux Douze seuls.

C’était là une imitation du chapitre des Nombres où Dieu, afin de soulager Moïse d’un fardeau devenu trop pesant, répand sur soixante-dix anciens une partie de l’esprit de gouvernement qui jusque-là avait été le don de Moïse seul[4]. Comme pour rendre plus sensible ce partage et cette similitude de pouvoirs, Luc divise entre les Douze et les Soixante-Dix les instructions apostoliques qui, dans

  1. I Cor., xi, 23-26 ; Luc, xxii, 17-20. Luc, x, 8 : ἐσθίετε τὰ παρατιθέμενα ὑμῖν ; I Cor., x, 27 : πᾶν παρατιθέμενον ὑμῖν ἐσθίετε.
  2. Le trait d’ambition des fils de Zébédée est supprimé.
  3. Luc, x, 1-24 : καὶ ἐτέρους ἐϐδομήκοντα. Le Codex Vaticanus porte ἐϐδομήκοντα δύο. Cf. Recognitions, II, 42 ; Homél. pseudo-clém., xviii, 4.
  4. Nombres, xi, 17, 25.