Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/328

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gaires, exagérés ou insignifiants[1]. Ce qu’il ne comprend pas, il le supprime, ou le tourne avec art[2]. Il ajoute des traits touchants et délicats[3]. Il invente peu, mais modifie beaucoup. Les transformations esthétiques qu’il opère sont surprenantes. Le parti qu’il a tiré de Marie et de Marthe, sa sœur, est chose merveilleuse ; aucune plume n’a laissé tomber dix lignes plus charmantes[4]. Son arrangement de « la femme qui verse des parfums[5] » n’est pas moins exquis. L’épisode des disciples d’Emmaüs[6] est un des récits les plus fins, les plus nuancés qu’il y ait dans aucune langue.

L’Évangile de Luc est le plus littéraire des Évangiles. Tout y révèle un esprit large et doux, sage, modéré, sobre et raisonnable dans l’irrationnel. Ses exagérations, ses invraisemblances, ses inconsé-

  1. Ainsi il supprime, dans Marc, la perpétuelle préoccupation du manger (Marc, iii, 20 ; v, 43 ; vi, 31), l’oreiller sur lequel Jésus dormait sur le lac (Marc, iv, 38). Dans la description des vêtements blancs de la Transfiguration, il n’est plus dit « qu’il n’est pas de foulon sur la terre qui puisse en faire d’aussi blancs » (Marc, ix, 2).
  2. Ainsi l’anecdote du figuier, inintelligible dans Marc, xi, 12-14, 20-21, et Matth., xxi, 18-20, est remplacée par la douce parabole, Luc, xiii, 6-9.
  3. Par exemple, Luc, xxii, 61, le regard de Jésus.
  4. Luc, x, 38-42.
  5. Luc, vii, 37 et suiv.
  6. Luc, xxiv, 13-35.