Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/428

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tous ayant été les persécutés de Domitien, tous pleurant quelque parent, quelque ami, victime du règne abhorré.

L’âge des monstres était passé. Cette haute race des Jules et des familles qui leur étaient alliées avait déroulé devant le monde le plus étrange spectacle de folie, de grandeur, de perversité. Désormais l’âcreté du sang romain semble épuisée. Rome a sué toute sa malice. C’est le propre d’une aristocratie qui a mené la vie sans frein de devenir sur ses vieux jours réglée, orthodoxe, puritaine. La noblesse romaine, la plus terrible qui ait jamais existé, n’a plus maintenant que des raffinements extrêmes de vertu, de délicatesse, de modestie.

Cette transformation fut en grande partie l’œuvre de la Grèce[1]. Le pédagogue grec avait réussi à se faire accepter de la noblesse romaine, à force de subir ses dédains, sa grossièreté, son mépris pour les choses de l’esprit. Dès le temps de Jules César, Sextius le père apportait d’Athènes à Rome la fière discipline morale du stoïcisme, l’examen de conscience, l’ascétisme, l’abstinence, l’amour de la pauvreté[2]. Après lui, Sextius fils, Sotion d’Alexandrie, Attale, Démétrius le cynique, Métronax, Claranus,

  1. Livre Ier des Pensées de Marc-Aurèle, tout entier.
  2. Fabianus, dans Sénèque le Rhéteur, Controv., II. 9.