Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/439

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comme étrangère et absurde. L’histoire ne doit parler qu’avec respect des politiques honnêtes et courageux qui tirèrent le monde de la boue où l’avaient jeté le dernier Jules et le dernier Flavius ; mais ils eurent les imperfections qui étaient une suite naturelle de leurs qualités. C’étaient des aristocrates, des hommes à traditions, à préjugés, des espèces de torys anglais, tirant leur force de leurs préjugés mêmes. Ils furent profondément Romains. Persuadés que quiconque n’est pas riche ou bien né ne saurait être honnête homme, ils ne ressentaient pas pour les doctrines étrangères ces faiblesses dont les Flavius, bien plus bourgeois, ne savaient pas se défendre. Leur entourage, la société qui arrive au pouvoir avec eux, Tacite, Pline, ont le même mépris pour ces doctrines barbares. Un fossé semble creusé durant tout le iie siècle entre le christianisme et le monde officiel. Les quatre grands et bons empereurs y sont nettement hostiles, et c’est sous le monstre Commode que nous retrouverons, comme sous Claude, sous Néron et sous les Flavius, des « chrétiens de la maison de César ». Les défauts de ces vertueux empereurs sont ceux des Romains eux-mêmes, trop de confiance en la tradition latine, une fâcheuse obstination à ne pas admettre d’honneur hors de Rome, beaucoup d’orgueil et de dureté