Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/495

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deux ou trois cents ans. D’une part, l’usage exclusif du syriaque leur enlevait tout contact fécond avec les œuvres du génie grec ; de l’autre, une foule d’influences orientales, pleines de danger, agissaient sur elles et les menaçaient d’une prompte corruption. Leur manque de raison les livrait aux séductions de ces folies théosophiques, d’origine babylonienne, égyptienne, persane, qui, dans quarante ans environ, causeront au christianisme naissant cette grave maladie du gnosticisme qu’on ne saurait comparer qu’à un croup terrible auquel l’enfant n’échappa que par miracle.

L’atmosphère où vivaient ces Églises ébionites de Syrie au delà du Jourdain était des plus troubles. Les sectes juives abondaient en ces parages et suivaient une direction toute différente de celle des docteurs orthodoxes[1]. Depuis la ruine de Jérusalem, le judaïsme, privé de l’aiguillon prophétique, n’a plus eu que deux pôles d’activité religieuse, la casuistique, représentée par le Talmud, et les rêves mystiques de la Cabbale naissante. Lydda et Iabné étaient les centres d’élaboration du Talmud ; le pays au delà du Jourdain servait de berceau à la Cab-

  1. Récognitions, I, 54 ; Hégésippe, dans Eus., H. E., IV, 22 ; saint Justin, Dial., 80 ; Constit. apost., VI, 6 ; saint Épiphane, hær. xiv et suiv.