Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/12

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être pas tout à fait vrai. Si des critiques soutiennent un jour que la Revue des Deux Mondes et le Journal des Débats me gâtèrent, en m’apprenant à écrire, c’est-à-dire à me borner, à émousser sans cesse ma pensée, à surveiller mes défauts, ils aimeront peut-être ces pages, pour lesquelles on ne réclame qu’un mérite, celui de montrer, dans son naturel, atteint d’une forte encéphalite, un jeune homme vivant uniquement dans sa tête et croyant frénétiquement à la vérité.

Les défauts de cette première construction, en effet, sont énormes, et, si j’avais le moindre amour propre littéraire, je devrais la supprimer de mon œuvre, conçue en général avec une certaine eurythmie. L’insinuation de la pensée manque de toute habileté. C’est un dîner où les matières premières sont bonnes, mais qui n’est nullement paré, et où l’on n’a pas eu soin d’éliminer les épluchures. Je tenais trop à ne rien perdre. Par peur de n’être pas compris, j’appuyais trop fort pour enfoncer le clou, je me croyais obligé de frapper dessus à coups redoublés. L’art de la composition, impliquant de nombreuses coupes sombres dans la forêt de la pensée, m’était inconnu. On ne débute pas par la brièveté. Les exigences françaises de clarté et de discrétion, qui parfois, il faut l’avouer, forcent