Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/182

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le spectateur dans le monde. « Parmi ceux qui accourent aux panégyres de la Grèce, les uns y sont attirés par le désir de combattre et de disputer la palme ; les autres y viennent pour leurs affaires commerciales ; quelques-uns enfin ne s’y rendent ni pour la gloire, ni pour le profit, mais pour voir ; et ceux-là sont les plus nobles, car le spectacle est pour eux, et eux n’y sont pour personne. De même en entrant dans la vie, les uns aspirent à se mêler à la lutte, les autres sont ambitieux de faire fortune ; mais il est quelques âmes d’élite qui, méprisant les soins vulgaires, tandis que la plèbe des combattants se déchire dans l’arène, s’envisagent comme spectateurs dans le vaste amphithéâtre de l’univers. Ce sont les philosophes (73) ». — Jamais la philosophie n’a été plus parfaitement définie.

À l’origine de la recherche rationnelle, le mot de philosophie pouvait sans inconvénient designer l’ensemble de la connaissance humaine. Puis, quand chacune des séries d’études devint assez étendue pour absorber des vies entières et présenter un côté de la vie universelle, chaque branche devint une science indépendante, et laissa le tronc commun appauvri par ces retranchements successifs. Les fruits mûrs, après avoir grandi de la sève commune, se détachaient de la tige et laissaient l’arbre dépouillé. La philosophie ne conserva ainsi que les notions les moins déterminées, celles qui n’avaient pu se grouper en unités distinctes, et qui n’avaient guère d’autre raison de se trouver réunies sous un nom commun que l’impossibilité où l’on était de ranger chacune d’elles sous un autre nom. Il est temps de revenir à l’acception antique, non pas sans doute pour renfermer de nouveau dans la philosophie toutes les sciences particulières avec leurs