Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/20

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Les sciences historiques et leurs auxiliaires, les sciences philologiques, ont fait d’immenses conquêtes depuis que je les embrassai avec tant d’amour, il y a quarante ans. Mais on en voit le bout. Dans un siècle, l’humanité saura à peu près ce qu’elle peut savoir sur son passé ; et alors il sera temps de s’arrêter ; car le propre de ces études est, aussitôt qu’elles ont atteint leur perfection relative, de commencer à se démolir. L’histoire des religions est éclaircie dans ses branches les plus importantes. Il est devenu clair, non par des raisons a priori mais par la discussion même des prétendus témoignages, qu’il n’y a jamais eu, dans les siècles attingibles à l’homme, de révélation ni de fait surnaturel. Le processus de la civilisation est reconnu dans ses lois générales. L’inégalité des races est constatée. Les titres de chaque famille humaine à des mentions plus ou moins honorables dans l’histoire du progrès sont à peu près déterminés.

Quant aux sciences politiques et sociales, on peut dire que le progrès y est faible. La vieille économie politique, dont les prétentions étaient si hautes en 1848, a fait naufrage. Le socialisme, repris par les Allemands avec plus de sérieux et de profondeur, continue de troubler le monde, sans arborer de solution claire. M. de Bismarck, qui s’était annoncé