Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/297

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

désigne les phases diverses de l’esprit ne s’appliquent jamais d’une manière parfaitement univoque, comme disait l’école, à deux états divers, « La ligne de l’humanité, dit Herder, n’est ni droite, ni uniforme ; elle s’égare dans toutes les directions, présente toutes les courbures et tous les angles, Ni l’asymptote, ni l’ellipse, ni la cycloïde ne peuvent nous en représenter la loi. » Les relations des choses ne sont pas sur un plan, mais dans l’espace. Il y a des dimensions dans la pensée comme dans l’étendue. De même qu’une classification n’explique qu’une seule série linéaire des êtres, et en néglige forcément plusieurs tout aussi réelles qui croisent la première et exigeraient une classification à part, de même toutes les lois n’expriment qu’un seul système de relation, et en omettent nécessairement mille autres. C’est comme un corps à trois dimensions projeté sur un plan. Certains traits seront conservés, d’autres altérés, d’autres complètement omis. Le moyen âge ressemble par certains côtés aux temps homériques, et qui voudrait pourtant appliquer à des états si divers la même dénomination ? Chacun saisit dans ce vaste tableau un trait, une physionomie, un jet de lumière ; nul ne saisit l’ensemble et la signification du tout. Un voyageur a traversé la France du nord au sud ; un autre de l’est à l’ouest ; un autre suivant une autre ligne ; chacun d’eux donne sa relation comme la description complète de la France ; voilà l’image exacte de ce qu’ont fait jusqu’ici ceux qui ont tenté de présenter un système de philosophie de l’histoire (117). Une carte de géographie n’est possible que quand le pays qu’il s’agit de représenter a été exploré dans tous les sens. Or, qu’on y songe, l’histoire est la vraie philosophie du xixe siècle. Notre siècle n’est pas métaphysique. Il s’inquiète peu de la discussion