Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/324

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étendue et comparée des choses, c’est l’esprit moderne en un mot. Il faut laisser aux esprits médiocres la satisfaction de se croire invincibles dans leurs lourds arguments. Il ne faut pas essayer de les réfuter. Les résultats de la critique ne se prouvent pas, ils s’aperçoivent ; ils exigent pour être compris un long exercice et toute une culture de finesse. Il est impossible de réduire celui qui les rejette obstinément, aussi bien qu’il est impossible de prouver l’existence des animalcules microscopiques à celui qui refuse de faire usage du microscope. Décidés à fermer les yeux aux considérations délicates, à ne tenir compte d’aucune nuance, ils vous portent à la figure leur mot éternel : prouvez que c’est impossible. (Il y a si peu de choses qui sont impossibles !) Le critique les laissera triompher seuls, et, sans disputer avec des esprits bornés et décidés à rester tels, il poursuivra sa route, appuyé sur les mille inductions que l’étude universelle des choses fait jaillir de toutes parts, et qui convergent si puissamment au point de vue rationaliste. La négation obstinée est inabordable dans aucun ordre de choses, on ne fera voir celui qui ne veut pas voir. C’est d’ailleurs faire tort aux résultats de la critique que de leur donner cette lourde forme syllogistique où triomphent les esprits médiocres, et que les considérations délicates ne sauraient revêtir.

Qu’on me permette un exemple. Les quatre Évangiles canoniques rapportent souvent un même fait avec des variantes de circonstances assez considérables. Cela s’explique dans toutes les hypothèses naturelles ; car il ne faut point être plus difficile pour les Évangiles que pour les autres récits historiques ou légendaires, lesquels offrent souvent des contradictions bien plus fortes. Mais