Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/335

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leurs rêves ingénieux, mais pour enseigner à l’humanité devenue sage les merveilles de la réalité. Alors il y aura encore des sages, poètes et organisateurs, législateurs et prêtres, non plus pour gouverner l’humanité au nom d’un vague instinct, mais pour la conduire rationnellement dans ses voies, qui sont celles de la perfection. Alors apparaîtront de nouveau de superbes types du caractère humain, qui rappelleront les merveilles des premiers jours. Un tel état semblera un retour à l’âge primitif : mais entre les deux il y aura eu l’abîme de l’analyse, il y aura eu des siècles d’étude patiente et attentive ; il y aura la possibilité, en embrassant le tout, d’avoir simultanément la conscience des parties. Rien ne se ressemble plus que le syncrétisme et la synthèse ; rien n’est plus divers : car la synthèse conserve virtuellement dans son sein tout le travail analytique ; elle le suppose et s’y appuie. Toutes les phases de l’humanité sont donc bonnes, puisqu’elles tendent au parfait ; elles peuvent seulement être incomplètes, parce que l’humanité accomplit son œuvre partiellement et esquisse ses formes l’une après l’autre, toutes en vue du grand tableau définitif, et de l’époque ultérieure, où, après avoir traversé le syncrétisme et l’analyse, elle fermera par la synthèse le cercle des choses. Un peu de réflexion a pu rendre impossibles les créations merveilleuses de l’instinct ; mais la réflexion complète fera revivre les mêmes œuvres avec un degré supérieur de clarté et de détermination.

L’analyse ne sait pas créer. Un homme simple, synthétique, sans critique, est plus puissant pour changer le monde et faire des prosélytes que le philosophe inaccessible et sévère. C’est un grand malheur que d’avoir découvert en soi les ressorts de l’âme ; on craint toujours