Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/369

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moyen pour reconnaître le vrai, il faudrait.’y recourir et ne pas tenir compte de la majorité.

A entendre certains politiques, qui se disent libéraux, le gouvernement n’a autre chose à faire qu’à obéir à l’opinion, sans se permettre jamais de diriger le mouvement. C’est une intolérable tyrannie, disent-ils, que le pouvoir central impose aux provinces des institutions, des hommes, des écoles, peu en harmonie avec les préjugés de ces provinces. Ils trouvent mauvais que les administrateurs et les instituteurs des provinces viennent puiser à Paris une éducation qui les rendra supérieurs a leurs administrés. C’est la un étrange scrupule Paris ayant une supériorité d’initiative et représentant un état plus avancé de civilisation, a bien réellement droit de s’imposer et d’entraîner vers le parfait les masses plus lourdes. Honte à ceux qui n’ont d’autre appui que l’ignorance et la sottise, et s’efforcent de les maintenir comme leurs meilleurs auxiliaires ! La question de l’éducation de l’humanité et du progrès de la civilisation prime toutes les autres. On ne fait pas tort à un enfant, en sollicitant sa nonchalance native, pour le plus grand bien de sa culture intellectuelle et morale. Longtemps encore l’humanité aura besoin qu’on lui fasse du bien malgré elle. Gouverner pour le progrès, c’est gouverner de droit divin.

Le suffrage universel suppose deux choses : 1° que tous sont compétents pour juger les questions gouvernementales ; 2° qu’il n’y a pas, à l’époque où est établi, de dogme absolu que l’humanité, a ce moment, est sans foi et dans cet état que M. Jouffroy a appelé le scepticisme de fait. Ces époques sont des époques de libéralisme et de tolérance. L’un ne possédant pas plus que l’autre la vérité, ce qu’il y a de plus simple, c’est de se compter ;