Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/376

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nature humaine), mais non un chiffre. Le principe représentatif a été bon à soutenir contre les vieux despotismes personnels, où le souverain croyait commander de son droit propre, ce qui est bien plus absurde encore. Mais, de fait, le suffrage universel n’est légitime que s’il peut hâter l’amélioration sociale. Un despote qui réaliserait cette amélioration contre la volonté du plus grand nombre serait parfaitement dans son droit. Vienne le Napoléon qu’il nous faut, le grand organisateur politique, et il pourra se passer de la bénédiction papale et de la sanction populaire.

L’idéal d’un gouvernement serait un gouvernement scientifique, où des hommes compétents et spéciaux traiteraient les questions gouvernementales comme des questions scientifiques, et en chercheraient rationnellement la solution. Jusqu’ici c’est la naissance, l’intrigue ou le privilège du premier occupant qui ont généralement conféré les grades aux gouvernants ; le premier intrigant qui réussit a s’installer devant une table verte est qualifié homme d’État. Je ne sais si un jour, sous une forme ou sous une autre, il ne se produira pas quelque chose d’analogue à l’institution des lettrés chinois, et si le gouvernement ne deviendra pas le partage naturel des hommes compétents, d’une sorte d’académie des sciences morales et politiques. La politique est une science comme une autre, et exige apparemment autant d’études et de connaissances qu’une autre. Dans les sociétés primitives, le collège des prêtres gouvernait au nom des dieux ; dans les sociétés de l’avenir, les savants gouverneront au nom de la recherche rationnelle du meilleur. Dieu merci ! cette académie aurait de nos jours une rude tâche, s’il lui fallait démontrer à la présomption ignorante et contrôleuse la légitimité de sa