Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


II


Savoir est le premier mot du symbole de la religion naturelle : car savoir est la première condition du commerce de l’homme avec les choses, de cette pénétration de l’univers qui est la vie intellectuelle de l’individu : savoir, c’est s’initier à Dieu. Par l’ignorance l’homme est comme séquestré de la nature, renfermé en lui-même et réduit à se faire un non-moi fantastique, sur le modèle de sa personnalité. De là ce monde étrange où vit l’enfance, où vivait l’homme primitif. L’homme ne communique avec les choses que par le savoir et par l’amour : sans la science il n’aime que des chimères. La science seule fournit le fond de réalité nécessaire à la vie. En concevant l’âme individuelle, à la façon de Leibnitz, comme un miroir où se reflète l’univers, c’est par la science qu’elle peut réfléchir une portion plus ou moins grande de ce qui est, et approcher de sa fin, qui serait d’être en parfaite harmonie avec l’universalité des choses.

Savoir est de tous les actes de la vie le moins profane, car c’est le plus désintéressé, le plus indépendant de la jouissance, le plus objectif pour parler le langage de l’école. C’est perdre sa peine que de prouver sa sainteté ; car ceux-là seuls peuvent songer à la nier pour lesquels il n’y a rien de saint.

Ceux qui s’en tiennent aux faits de la nature humaine, sans se permettre de qualification sur la valeur des choses, ne peuvent nier au moins que la science ne soit le premier besoin de l’humanité. L’homme en face des choses