Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/550

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métier de menuisier ou de jardinier, en le prenant au sérieux, c’est-à-dire avec un intérêt réel, que de se fatiguer ainsi à des mouvements insignifiants et sans but ?

(167) Aristote, Polit. t. ï, ch. ii, 5. (Traduct. Barthélémy Saint-Hilaire).

(168) Je me représente l’esprit comme un arbre dont les branches seraient garnies de crocs de fer. L’étude est comme une corne d’abondance versant d’en haut sur cet arbre des choses de mille couleurs et de mille formes. Les crocs ne retiennent pas tout, ni pour toujours. Tel objet, après y avoir pendu quelque temps tombe, et c’est le tour d’un autre. Ainsi l’esprit, à ses différentes époques, est comme garni d’un assortiment divers de choses, et cela, joint aux modifications intimes de son être, fait la diversité de ses aspects.

(169) Je pousse si loin le respect de l’individualité que je voudrais voir les femmes introduites pour une part dans le travail critique et scientifique, persuadé qu’elles y ouvriraient des aperçus nouveaux, que nous ne soupçonnons pas. Si nous sommes meilleurs critiques que les savants du xvii siècle, ce n’est pas que nous sachions davantage, mais c’est que nous voyons de plus fines choses. Eh bien, je suis persuadé que les femmes porteraient là leur individualité, et réfracteraient l’objet en couleurs nouvelles. Les socialistes se trompent grossièrement sur le rôle intellectuel de la femme : ils voudraient en faire un homme. Or, la femme ne sera jamais qu’un homme très médiocre. Il faut qu’elle reste ce qu’elle est, mais qu’elle soit éminemment ce qu’elle est. Elle est diverse de l’homme, mais non inférieure à l’homme. Une femme parfaite vaut un homme parfait. Mais elle doit être parfaite à sa manière, et non en ressemblant à l’homme. Elle en diffère comme l’électricité négative et l’électricité positive, c’est-à-dire par le sens et la direction, non par l’essence. Le négatif n’est pas inférieur au positif, mais il va en sens contraire ; toute quantité peut être indifféremment considérée comme négative ou positive. Le négatif et le positif réunis forment le complet, ce qui ne désire plus rien. Toute chose désire son complément le positif attire nécessairement le négatif, l’angle rentrant appelle l’angle saillant. Ainsi la vie est partagée, tous ont la meilleure part, et il y a place pour l’amour.

(170) Dans sa belle pièce du Crépuscule.

(171) « Nous saurons tout cela dans le paradis. » Réponse spirituelle que faisaient les religieuses hospitalières un peu impatientées, à un toqué scientifique, qui, échoué dans un hospice, assommait les pauvres filles qui le soignaient de ses élucubrations déplacées.

(172) Parcourez nos villes, nos promenades publiques, partout des