Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/123

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me. L’absence totale de rigueur dogmatique faisait que des notions fort contradictoires pouvaient être admises à la fois, même sur un point aussi capital. Tantôt le juste devait attendre la résurrection ; tantôt il était reçu dès le moment de sa mort dans le sein d’Abraham. Tantôt la résurrection était générale, tantôt réservée aux seuls fidèles. Tantôt elle supposait une terre renouvelée et une nouvelle Jérusalem ; tantôt elle impliquait un anéantissement préalable de l’univers.

Jésus, dès qu’il eut une pensée, entra dans la brûlante atmosphère que créaient en Palestine les idées que nous venons d’exposer. Ces idées ne s’enseignaient à aucune école ; mais elles étaient dans l’air, et son âme en fut de bonne heure pénétrée. Nos hésitations, nos doutes ne l’atteignirent jamais. Ce sommet de la montagne de Nazareth, où nul homme moderne ne peut s’asseoir sans un sentiment inquiet sur sa destinée, peut-être frivole, Jésus s’y est assis vingt fois sans un doute. Délivré de l’égoïsme, source de nos tristesses, qui nous fait rechercher avec âpreté un intérêt d’outre-tombe à