Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/132

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grandiose, mais triste, aride et repoussant. Avec ses docteurs solennels, ses insipides canonistes, ses dévots hypocrites et atrabilaires, Jérusalem n’eût pas conquis l’humanité. Le nord a donné au monde la naïve Sulamite, l’humble Chananéenne, la passionnée Madeleine, le bon nourricier Joseph, la Vierge Marie. Le nord seul a fait le christianisme ; Jérusalem, au contraire, est la vraie patrie du judaïsme obstiné qui, fondé par les pharisiens, fixé par le Talmud, a traversé le moyen âge et est venu jusqu’à nous.

Une nature ravissante contribuait à former cet esprit beaucoup moins austère, moins âprement monothéiste, si j’ose le dire, qui imprimait à tous les rêves de la Galilée un tour idyllique et charmant. Le plus triste pays du monde est peut-être la région voisine de Jérusalem. La Galilée, au contraire, était un pays très vert, très ombragé, très souriant, le vrai pays du Cantique des cantiques et des chansons du bien-aimé. Pendant les deux mois de mars et d’avril, la campagne est un tapis