Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/321

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noch » par exemple), hommes si exaltés, commettaient pour leur cause, et bien certainement sans ombre de scrupule, un acte que nous appellerions un faux. La vérité matérielle a très peu de prix pour l’oriental ; il voit tout à travers ses idées, ses intérêts, ses passions.

L’histoire est impossible, si l’on n’admet hautement qu’il y a pour la sincérité plusieurs mesures. Toutes les grandes choses se font par le peuple ; or on ne conduit le peuple qu’en se prêtant à ses idées. Le philosophe qui, sachant cela, s’isole et se retranche dans sa noblesse, est hautement louable. Mais celui qui prend l’humanité avec ses illusions et cherche à agir sur elle et avec elle, ne saurait être blâmé. César savait fort bien qu’il n’était pas fils de Vénus ; la France ne serait pas ce qu’elle est si l’on n’avait cru mille ans à la sainte ampoule de Reims. Il nous est facile à nous autres, impuissants que nous sommes, d’appeler cela mensonge, et, fiers de notre timide honnêteté, de traiter avec dédain les héros qui ont accepté dans d’autres conditions la lutte de la vie. Quand nous aurons fait avec nos scrupules ce qu’ils firent avec leurs mensonges, nous aurons le droit d’être pour eux sévères. Au moins faut-il distinguer profondément les sociétés comme la nôtre, où tout se passe au plein jour de la réflexion, des socié