Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/340

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son idéal céleste, il ne sortit jamais de sa dédaigneuse pauvreté. Quant aux deux autres conceptions du royaume de Dieu, Jésus paraît toujours les avoir gardées simultanément. S’il n’eût été qu’un enthousiaste, égaré par les apocalypses dont se nourrissait l’imagination populaire, il fût resté un sectaire obscur, inférieur à ceux dont il suivait les idées. S’il n’eût été qu’un puritain, une sorte de Channing ou de « Vicaire Savoyard » il n’eût obtenu sans contredit aucun succès. Les deux parties de son système, ou, pour mieux dire, ses deux conceptions du royaume de Dieu se sont appuyées l’une l’autre, et cet appui réciproque a fait son incomparable succès. Les premiers chrétiens sont des visionnaires, vivant dans un cercle d’idées que nous qualifierions de rêveries ; mais en même temps ce sont les héros de la guerre sociale qui a abouti à l’affranchissement de la conscience et à l’établissement d’une religion d’où le culte pur, annoncé par le fondateur, finira à la longue par sortir.

Les idées apocalyptiques de Jésus, dans leur forme la plus complète, peuvent se résumer ainsi :

L’ordre actuel de l’humanité touche à son terme. Ce terme sera une immense révolution, « une angoisse » semblable aux douleurs de l’enfantement ; une palingénésie ou « renaissance » (selon le mot de